Chronologie du Grand Hotel Victoria

1884 - 1982

Biarritz


I - Géographie du « Grand Hôtel Victoria »


   En 1884, M. Jean Tapie originaire de Lannemezan, époux de Mlle Nancy Lahouze de Biarritz, acquiert un terrain dans l'ancien domaine impérial à proximité du corps de garde avenue du Palais, d’une superficie de 1380 mètres carrés et commence la construction d'un hôtel. Le terrain est constitué par les lots 14 et 15 sur lesquels se situent les écuries du domaine impérial, à proximité du corps de garde. Le domaine impérial a été divisé en 269 lots en 1881.


   M Tapie achète le terrain en indivision à Messieurs Samuel Herrmann et Louis Moussempes mais n'ayant plus de fonds pour continuer la construction, les entrepreneurs arrêtent la construction au 2eme étage.
   Le 10 janvier 1884, la famille Fourneau acquiert les terrains et l'immeuble commencé. Le propriétaire, M Jean Fourneau (surnommé Jeanty), qui était le père du célèbre chimiste Ernest Fourneau, termine la construction de cet hôtel auquel il donne le nom de «Victoria ». L’architecte Pierre Louis est chargé de sa construction ; le paysagiste Mathieu Gelos en dessine les jardins. Ces merveilleux jardins se trouvent de l’autre côté de la route et permettent un accès direct à la plage. Il s’agit des lots 1, 2 et 3 de l’ancien domaine impérial.
   L’hotel possède 100 chambres et plusieurs salons. Il fait face au magnifique horizon de la grande plage et son style est des plus purs. Il se caractérise par une longue façade de 4 étages et une entrée monumentale donnant accés à un grand hall vitré.

II - Exploitation du « Grand Hôtel Victoria »


      Le 01 août 1885 a lieu l’ouverture proprement dite du Grand Hôtel Victoria. Ce jour-là M. Fourneau veut pendre la crémaillère en invitant tous les corps de métier qui ont concouru à l'édification de l'hôtel. M. Fourneau, esprit ouvert et élevé, a également convié tous les propriétaires d'hôtels de Biarritz, ne les considérant pas comme des rivaux mais bien comme des collaborateurs faisant partie d'un syndicat professionnel ayant à cœur la prospérité de Biarritz. De nombreux appartements y ont été retenus et c’est à Mme la duchesse de Baylen, qui s’y est installée dès le matin avec sa suite, que revient l’honneur de l’inaugurer.
Un si gracieux patronage ne peut être que du meilleur augure pour la fortune de l’hôtel !. En juillet 1888, l’hôtel a pour hôte SAR l'infante Isabelle ancienne princesse des Asturies. En 1890 SAI monseigneur le prince d'Oldembourg descend à l’hotel.En 1903, Jeanty Fourneau achète au Comte Duchâtel, ancien ambassadeur de France à Vienne, et fidèle résident des plages de Biarritz, sa villa de la grande plage. Elle devient une annexe du Victoria de quatorze chambres. La clientèle adopte immédiatemnt cette villa, dont la duchesse de Manchester, les princesses douairières d’Egypte et les Warburton – Wanamaker l’occupent avec plaisir.
   En mai 1912 Biarritz est endeuillée par la mort de M. Jeanty Fourneau, créateur de l'hôtel. Il a contribué lui aussi, au grand développement touristique et hôtelier de Biarritz. Sa veuve, Pauline, née Bordes, poursuit l'exploitation de cet important établissement. Jeanty Fourneau laisse à sa mort plus de neuf propriétés à l’ensemble de ses descendants, acquises pendant l’ensemble de sa vie ; soit sa maison natale acquise en 1882 « maison de Guiroye » ; Le Grand Hôtel Victoria à Biarritz, (1884, lot 14 du domaine impérial), la maison des Cent Gardes à Biarritz (1891, lot 1 du domaine impérial) ; L’Écurie et remise de l’hotel Victoria, rue des Cent Gardes (1898, lot 15 du domaine impérial) ; la Baraque en planches avenue de Bayonne ; la Maison avenue du Palais ; le Chalet Encametsa à la Négresse ; la Villa Duchâtel (1903) ; le Chalet Pauline, route d’Arbonne.
   En 1914, le Grand Hôtel Victoria possède plus de trente chevaux pour la chasse à laquelle s’adonnent les clients.
   Mais hélas, le temps de la « Belle Epoque » est révolu et l’exploitation de l’hôtel est de plus en plus difficile.

1923 – 1962 : exploitation du Grand Hôtel Victoria par la famille Camy :
   La Villa Duchâtel est vendue en 1920 par la famille Fourneau à l’industriel Lucien Bauman. Cette villa existe encore aujourd’hui même si son magnifique perron a du être empiété pour laisser place à la route.
En 1923, le fonds de commerce est vendu et l’immeuble loué pour trente ans à la Société Immobilière et Fermière de Dax. En effet, les enfants de Jeanty et Pauline Fourneau ne désirent pas reprendre l’exploitation de l’hôtel. Léon Fourneau a créé l’Hôtel du Golf à Saint Jean de Luz, Ernest est devenu un chercheur en chimie de grande renommée et les filles se sont mariées sans manifester la volonté de travailler au Victoria.
   M Jean Dominique Camy est le premier directeur de l’Hôtel auquel a succédé son fils, Philippe, dont une grande partie de la vie se confond avec cet établissement et dont il a été le dernier directeur-exploitant. Aujourd’hui M. Philippe Camy rencontre souvent des Biarrots qui déclarent avoir pris la descente qui existait vers la plage (en face de l’hôtel) pour apercevoir à la tombée de la nuit la salle à manger luxueusement éclairée avec les convives vêtus élégamment. M. Camy insiste beaucoup sur le caractère familial de l’hôtel, malgré la présence de nombreux grands représentants de dynasties industrielles et financières.
   Le 20 novembre 1944, arrive le premier convoi de blessés militaires qui furent hospitalisés à la formation sanitaire installée à l'hôtel Victoria. En effet, le Victoria est transformé en annexe de l’hopital, installé au sein d’un autre palace de l’époque, l’hôtel Continental et situé au 2 avenue de la Reine Victoria. Après la guerre, la famille Camy continue l’exploitation de l’établissement.

III - Décrépitude du « Grand Hôtel Victoria »

Les incendies :
   Le 11 mars 1953 un violent incendie détruit l’aile droite de l’hôtel Victoria. Néanmoins les efforts habiles et courageux des soldats du feu sont récompensés et vers 5 heures du matin le fléau est maîtrisé. L’eau a fait autant de dégat que le feu car, si le feu a pu être limité à la partie supérieure de l'immeuble tous les étages ont été atteints par les torrents d'eau qui ont dû être déversés. Les plafonds ruisselants se sont écroulés, peu à peu, jusque et y compris celui du restaurant situé au rez de chaussée. On ignore la cause exacte du sinistre ; un court circuit fait figure de responsable présumé.
   Le 10 mars 1954 une autre aile de l'hôtel Victoria est incendiée; le feu est rapidement circonscrit.

1962 – 1973 : vente du Grand Hotel Victoria et des jardins :
   Au début des années 60, l’exploitation de l’hôtel est très difficile et n’est plus rentable.
   Ainsi, le 31 août 1962 les consorts Goalard – Fourneau et la Famille Camy avec lesquels ils sont restés associés vendent l'Hôtel Victoria à M. Durand Lheritier, PDG de la Société Immobilière et Fermière des Eaux Thermales de Dax. Il faut rappeler que quelques jours avant cette vente, il a été fait état par la famille Fourneau d’un certificat d’urbanisme faisant toutes réserves quant aux suites qui pourraient être données d’une demande de permis de construire sur les terrains devant l’hôtel ; une servitude non edificandi avec réservation d’espace public étant prévu à cet endroit sur le plan d’ urbanisme communal.
   Ce certificat d’urbanisme précisait que ces terrains sur la mer n’était pas à urbaniser en priorité.
   C’est sur ces mêmes terrains (110 m de long X 40 m de large), situés entre la Villa Duchâtel et l’immeuble Le Sahel (lot 4 du domaine impérial) et frappés d’une servitude de non édificandi qu’a été autorisé la construction d’un immeuble de 50 m de hauteur, le Victoria Surf, dix ans plus tard.
   Le 26 février 1964 M. Durand Lhéritier revend l'hôtel et les terrains à la société Eugénia.
   Par jugement du tribunal de la Seine de mars 1971 la société Eugénia n'ayant pu faire face à ses obligations, la compagnie française des pétroles par le truchement de sa filiale "Total" devient propriétaire de l'hôtel et des terrains. Une station service à essence est construite en bas du terrain sur l’emplacement des terrains de tennis, le long de la route de la plage.

La destruction :
   Le lundi 05 novembre 1973 à 18h, à l’issue d’une commission générale, un conseil municipal se tient en séance publique. L’objet de cette commission est la demolition de l’ancien hôtel Victoria et la question du devenir du vaste terrain au dessus de la station à essence Total, ancien jardin de l’hôtel. M. Guy Petit, sénateur maire, présente le rapport de la commission.

   En 1976, un nouvel incendie l’endommage encore un peu plus. La Société civile immobilière Hotel Victoria laisse l’édifice se dégrader. En conséquence des rats, malgré des campagnes de dératisation à répétition, nuisent au voisinage. L’été, des marginaux viennent y séjourner pour y passer la saison. C’est durant cette période que beaucoup de mobilier de l’hôtel est volé dont le fameux portait monumental de la Reine Victoria accroché au mur de l’entrée ainsi que le livre d’or. Une clôture de béton enserre l’édifice, les ardoises du toit deviennent un danger car elles ne sont plus attachées à la charpente et elles menacent de tomber sur les passants.

   Le mardi matin 27 janvier 1982, les hostilités débutent contre les murs délabrés de l’ancien hôtel. La pelle hydraulique entre en action et s’attaque aux bâtiments annexes de l’hôtel situé rue des Cent Gardes. Durant l’après midi, l’annexe est rasée.    Le mercredi 28 janvier 1982, la démolition de l’hôtel en lui-même commence.    Le 10 mars 1982, le « Grand Hotel Victoria », fierté de la ville et symbôle de la « Belle Epoque » n’éxiste plus.
   La ville a construit en 1991 sur le terrain libéré par la destruction de l’édifice, un nouvel hôtel appelé « le Tonic Hôtel ». Laissons à chacun le soin d’apprécier l’esthétisme de ce nouvel ensemble !


IV - Décrépitude des jardins


   Il faut rappeler que la construction du Victoria Surf à l’emplacement des anciens jardins du « Grand Hôtel Victoria » et de ses terrains de tennis n’a été rendue possible que par l’intremise de Monsieur Biasini (1922 – 02/07/2011), haut fonctionnaire qui présida « La Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte d’Aquitaine » (MIACA) de
1970 à 1985 et nommé à ce poste par M Chaban-Delmas, Premier Ministre. Le but de cette mission est de faire venir des milliers de touristes de mai à la Toussaint sur la côte Aquitaine et donc de construire les infrastructures pour les acceuillir. Après avoir acheté les terrains par la Société Civile Immobilière Hôtel Victoria (société promotrice du Victoria Surd) à la Société Total, M Biasini s’est arrangé pour lever la clause de non édificandi attachée aux dits terrains et négociée par la Famille Fourneau avec la ville de Biarritz.
Il semblerait que la levée de cette clause ait été rendue possible suite à la réunification des plans d’urbanisme de plusieurs communes par la MIACA en vue de les transformer en zones continues et de les rendre constructibles. Dans le même temps, la ville de Biarritz modifie son plan local d’urbanisme (PLU) pour entériner ce nouvel état de droit.

   Afin de construire le nouvel ensemble immobilier, il faut détruire les écuries de l'Empereur, vaste salle qui abrite les calèches et qui est devenu l'annexe d'un garage. De même, il faut détruire le Pavillon des Cent Gardes dont le premier a été rasé pour la construction du British Club. Bref, il faut faire oublier tous les témoignages du passé ! M Biasini a nommé M Louis Arretche, architecte, pour dessiner le futur immeuble. Les plans retenus créent une masse informe et beaucoup plus lourde que l’édifice dessiné par M. Henry Chevalier (Biarrot), promoteur du nouvel ensemble (Contacter plusieurs fois par Bertrand Costet au cours des années 2010 et 2011, M Chevalier n’a jamais souhaité engagé un dialogue avec ce dernier).    Le 07 novembre 1973, le conseil municipal adopte une convention avec la société civile immobilière Hôtel Victoria pour la construction d’immeuble, le futur « Victoria Surf. »
   Un seul vote contre, le Dr Zunzarren qui votait par procuration.
   Cet ensemble immobilier déroge aux règles de l’urbanisme dès sa conception, notamment sur sa hauteur (plus de 50 m). Trois arguments ont été avancés pour la justifier :
1) la hauteur ménage sur les côtés, et en particulier côté Lanvin, un créneau à la hauteur de l'immeuble voisin de manière à laisser le maximum de vue aux occupants des appartements qui seront situés derrière par rapport à la mer.
2) la hauteur respecte la réglementation liée à la hauteur des immeubles hôteliers et para hôteliers car la partie la plus haute recouvre la partie hôtelière de l’immeuble et non pas la partie à usage d’habitation privée.
3) la hauteur évite de construire un parallépipède rectangle uniforme de 25m de hauteur et de 110m de longueur que la réglementation préconise car trop massif et disgracieux et beaucoup plus gênant pour les immeubles situés derrière.
   Il faut souligner qu’au cours de la construction M Biasini, prenant conscience de la démesure de la hauteur de l’immeuble, est intervenu pour empêcher que les deux derniers étages (soit 12 m) ne soient construits. M Biasini a largement encouragé et favorisé la construction du Victoria Surf favorisant ainsi le bétonnage de la ville de Biarritz, petit port de péche à ses débuts. Messiers Arretche et Chevalier étaient ses éxécutants.
   Lors de son inauguration, le Victoria Surf offrait une résidence de 60 chambres, des appartements vendus à des particuliers et une galerie commerciale qui donnait sur l’avenue Edouart VII.    Ainsi, les fameux jardins du « Grand Hôtel Victoria » dont les biarrots se rappellent les massifs de fleurs et les terrains de tennis bordés de tamaris, furent anéantis par la construction de la résidence du « Victoria Surf »; qui symbolise à elle seule l’abhération des constructions des années 1970. De l’époque de Biarritz, la plage des Rois, a succédé Biarritz, une station balnéaire banale ayant perdu son charme et sa renomé de ville des Grands de ce Monde.