Le Golf Hôtel Beau Rivage
Boulevard Thiers / Saint Jean de Luz
1908 - 1954


1908 – 1918 : Construction et exploitation de l’hotel par Léon Fourneau
   Léon Fourneau, fils aîné de Jeanty Fourneau (constructeur et exploitant du « Grand Hôtel Victoria » de Biarritz), pousuit la profession d’hôtelier. Lors de son mariage avec Elisa Malère, nièce d’Elisa Garderes, Jeanty Fourneau lui offre la somme de 100 000 fr (somme assez importante à l’époque).
Léon achète à Saint Jean de Luz un terrain inculte au pied de la colline de Saint Barbe sur lequel il fait construire un hôtel de 100 chambres. Il lui donne le nom de « Golf Hôtel Beau Rivage ». Il n’y a ni eau, ni électricité, ni gaz, ni égouts dans ce quartier exentrique. Léon fait appel à l’architecte Cazalis pour la construction qui lui donne, sur sa demande, un style navarrais. Le constructeur est l’entreprise J Larramendy, située boulevard des Pyrénées, maison fondée en 1876. L’édifice est très solide; en effet il est construit sur pilotis enfoncés de 17 à 18 mètres de profondeur dans le sol jusqu’au rocher et est doté de murs de refend très épais. L’établissement a quatre étages et 12 fenêtres à chaque niveau. Léon Fourneau fait un emprunt pour la finition de la construction des étages supérieurs et l’achat du mobilier et du matériel nécessaire à son l’exploitation.
La fille de Léon Fourneau, Suzanne Leclerc, raconte avec émotion que les jours de tempête, elle et ses frères et sœurs montaient au plus haut de l’hôtel voir les vagues se fracasser le long de la plage.
   L’hôtel justifie son nom par des links privés (terrains de golf en bord de mer avec des dunes) qui s’étendent sur les hauts de Sainte Barbe jusqu’aux falaises d’Erromardie, après le Tir au Pigeons. Sa grande originalité est d’être orienté en biais de sorte qu’il profite d’une vue à la fois sur la mer et sur la montagne. En 1911, on l’agrandit par une aile sur le côté gauche. En 1914, la construction de l’aile droite ne sera pas réalisée en raison de la guerre.
   Pour les couleurs, Léon Fourneau demande conseil au peintre Ernest Bordes, consin germain de sa mère (Pauline, femme de Jeanty) qui lui conseille de s’inspirer du pain, couleur de la mie pour les murs et de la croute pour les balcons.
   Son aménagement intérieur est plutôt de style anglais. Une magnifique rampe en fer forgé longe l’escalier monumental déservant les étages supérieurs du bâtiment. En 1925, Émile-Joseph Porphyre Pinchon, le dessinateur de « Bécassine au Pays Basque » s’est inspiré directement du salon de l’hôtel pour les dessins de son histoire !
   Le personnel au service de la clientèle est habillé en uniforme bleu avec des boutons dorés. Au rez de chaussée, le personnel est constitué d’un concierge et d’un aide concierge, d’un téléphoniste, d’un « chasseur » pour le courrier, d’un « chasseur » chargé de distribuer les cigarettes sur un plateau en argent à le clientèle et d’un liftier.
   Le jardin de l’hôtel est situé sur trois côtés de l’étblissement sauf pour la partie située le long du boulevard Thiers où la route sépare l’hôtel de la plage. Le jardin devant l’hôtel est constitué d’un grand massif de fleurs en forme de fer à cheval, deux terrains de tennis sur le côté protégent les joueurs des embruns de la mer; la partie du jardin située derrière l’hôtel permet aux clients de se promener en regardant la pointe de Sainte Barbe.


   De 1908 à 1918, le Golf Hôtel est exploité par la famille Fourneau. Léon Fourneau considérant qu’il était indispensable, pour attirer une clientèle Anglaise, d’avoir un golf à proximité de l’hôtel, prend l’initiative avec les propriétaires des Hôtels Moderne et d’Angleterre de la création du golf de la Nivelle.


1918 – 1939 : Exploitation de l’hôtel par Madame Grombach et Monsieur Bousqué
   Après La « Grande Guerre », vers 1918, Léon Fourneau vend l’exploitation du fonds de commerce de l’hôtel et se retire dans une petite ferme de trois hectares jouissant d’une vue magnifique sur la Rhune. Il transforme cette petite ferme en une magnifique Villa, qu’il appelle « Marosénia ». Léon Fourneau se retire de l’exploitation de l’hôtel en ne gardant que la propriété des murs et bénéficie à ce titre de revenus financiers. En 1930, Léon Fourneau achète une villa à Biarritz, avenue du Maréchal Joffre, appelée « Clairefeuille ». Elle sera vendue en 1968.
   L’exploitation commerciale de l’hôtel est reprise par Mme Grombach et M Savaglio. Tout deux viennent de Bordeaux où ils travaillaient à l’hôtel de Bordeaux (précisement !). M Savaglio était chef de reception. Il était de nationalité Italienne naturalisé Français et a, en conséquence, échappé à la mobilisation de la Grande Guerre en 1914. M Savaglio et Mme Grombach fondent une société pour exploiter le fonds de commerce de l’hôtel.
   En 1926, M Gabriel Bousqué, arrive comme directeur de l’exploitation du Golf Hôtel.
   En 1928, il se marie avec Mlle Yvonne Bastéro qui était employée à la réception de l’hôtel et qui était la nièce de Mme Grombach. La sœur d’Yvonne, Cécile, travaille aussi à la réception de l’hôtel.
   M Savaglio se marie avec une italienne, Bianca (nom de famille inconnu). Il décède dans les années 1930. De cette union, nait un enfant, Gérande, mort prématurément d’une mastoîdite.
   Mme Bianca Savaglio, qui se fait appeler Savaglio de Montaldo mais qui doit cesser cette appellation suite au procès de la famille aristocrate porteuse du nom, et Mme Grombach continuent l’exploitation de l’établisement. La répartition du capital de la société d’exploitation commerciale de l’hôtel est ainsi définie en 1939 : 49 % Mme Grombach, 49 % Mme Bianca Savaglio et 2% cinq autres personnes.


1939 – 1945 : Réquisition de l’hôtel par l’Occupant Allemand
   Le 01 octobre 1940, l’hôtel est réquisitionné par les Allemands. M Gabriel Bousqué continue l’exploitation de deux étages de l’hôtel ; le reste étant utilisé par l’Occupant.
   Le 14 juillet 1942, l’hôtel est requisitionné en totalité par les Allemands et Mme Bianca Savaglio de nationalité italienne (pays associé à l’Allemagne pendant la guerre, on parle de l’Axe) devient propriétaire majoritaire de la société d’exploitation commerciale de l’hotel par des manœuvres frauduleuses.
   A la Libération, l’hotel est réquisitionné par les Américains et sert d’hôpital à l’université de l’armée américaine de Biarritz. Monsieur Jean Louis Bousqué, fils de Gabriel Bousqué, qui a connu l’exploitation de l’hôtel jusqu’à l’âge de 12 ans, raconte avec ironie le petit trafic lié à l’arrivée des Américains. C’est ainsi qu’en échange de quelques francs, M Bousqué leur a acheté du savon, un blouson (600 ff ) une canadienne (800 ff de l’époque ) et des cigarettes. Les soldats vendaient ces quelques objets pour aller boire un verre dans les bars de la ville. De même, la chambre de Jean Louis Bousqué avait été peinte avec du D D T, substance chimique interdite aujourd’hui, pour tuer les insectes afin qu’ils n’infectent pas les plaies des blessés de guerre*.


1947 – 1953 : Reprise de l’exploitation de l’hôtel et sa mise en vente :
   En 1947, les américains quittent l’hôtel et la famille Bousqué le réintègre. A cause de la guerre et des occupations par les troupes allemandes puis américaines, l’hôtel est très abimé. Il faut faire beaucoup de travaux pour le restaurer et le rendre de nouveau exploitable.
   A partir de cette même année, les familles Bousqué et Grombach mènent un procès contre Bianca Savaglio qui avait acquis frauduleusement pendant la guerre la majorité du capital de la société d’exploitation commerciale de l’hôtel. Ils gagnent le proces. M Louit (les fameuses « moutardes Louit » de Bordeaux des années 1950) leur a apporté son témoignage lors du procès afin d’établir la verité.
   En 1948, Mme Bianca Savaglio se remarie avec M. Orgogozo (docteur otorinolaragologiste). De cette même année et jusqu’en 1953, les familles Grombah et Bousqué rachètent les parts de la société d’exploitation commerciale de l’hôtel à Mme Orgogozo (ex Mme Savaglio) qui est progessivement évincée du capital.
   En 1953, Léon Fourneau vend les murs de l’hôtel à un promoteur, M Marty, car les travaux à réaliser pour rendre l’hôtel exploitable sont trop onéreux. Les familles Bousqué et Grombach sont obligées de vendre la société d’exploitation apres avoir refusé une offre de vente des murs faite par Léon Fourneau.
   Une vente aux enchères dilapide l’ensemble du mobilier et des objets de l’hôtel aux plus offrants.
   En 1954, après de gros travaux, le « Golf Hotel Beau Rivage » est vendu par appartements et devient « la Villa du Golf ».


   Voici raccontée la vie du « Golf Hotel Beau Rivage » de Saint Jean de Luz contruit et exploité par la grande lignée d’hoteliers Fourneau. Rendons hommage à Léon Fourneau et à sa femme Elisa Malère d’avoir su anticiper l’envol touristique de la ville de Saint Jean de Luz.
   Aujourd’hui, le bâtiment existe toujours et porte l’appellation « résidence du Golf » au 72 boulevard Thiers. Les appartement sont tous occupés et offrent toujours une vue merveilleuse sur la baie de Saint Jean de Luz et les montagnes Basques.


* Anecdoctes racontées par Monsieur Jean Louis Bousqué (fils de Gabriel Bousqué, directeur de l’exploitation du Golf Hotel Beau Rivage) le 01 janvier 2011 lors d’un entretien chez lui à Saint Jean de Luz avec Bertrand Costet.